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Les espaces sans enfants ont-ils de l'avenir ?

Né au début des années 2000 dans le secteur du tourisme balnéaire, le concept des espaces Adult Only / No Kids s'est lentement étendu à d'autres hôtels, aux restaurants, aux avions ou aux cafés. La tendance fait débat, entre des parents offusqués qu'on refuse leurs bambins et des adultes en quête de calme qui sont prêts à payer plus pour s'assurer un cadre silencieux. Ce genre d'offres peut-il devenir une norme ?

Les espaces sans enfants ne plaisent pas à tout le monde et certains politiques songent même à sanctionner les établissements qui proposeraient des zones No Kids. Pour l'instant, ces hôtels, resorts, restaurants, cafés et certaines compagnies aériennes revendiquent leur différence en faisant du concept Adult Only un atout marketing. D'où vient cette tendance, encore marginale en France, mais qui tend à se développer ? Que recherchent ses défenseurs ? Quelles problématiques sont soulevées par l'idée d'exclure les enfants ? Plongeons dans le détail pour mieux saisir les enjeux de cette thématique.

Ces lieux réservés aux adultes en quête de calme

Comme indiqué par leur désignation, les zones No Kids sont des espaces privés, dont l'accès n'est pas autorisé aux enfants. Cette directive est inscrite dans les conditions de certains établissements hôteliers et restaurants, souvent des trois étoiles Michelin, ou affichée directement à l'entrée. Cela peut être explicite, avec une mention spécifique Adult Only / No Kids, ou plus subtil, quand ces lieux refusent les poussettes ou ne proposent aucune commodité pour les tout-petits : pas de chaise pour bébé, aucun menu enfant, pas de barrière de sécurité autour de la piscine.

Ce concept clivant semble répondre à une demande en hausse d'adultes cherchant à profiter de leurs vacances en toute quiétude ou à voyager dans le calme, sans le tumulte que peuvent causer les enfants en bas âge. Prendre l'avion avec un bébé comme voisin peut-être une expérience pénible, et il peut être difficile de profiter pleinement d'un séjour censé être ressourçant ou d'un bon dîner au restaurant quand les cris, les pleurs et l'agitation des plus jeunes viennent briser l'harmonie recherchée.

En Europe, l'Espagne a été précurseur dans le domaine, en proposant des complexes hôteliers réservés aux adultes dès les années 2000, suivi par l'Italie, l'Allemagne et la Belgique. Mais c'est en Asie, particulièrement en Corée du Sud et au Japon, que la tendance s'est amplifiée ces dernières années. Ces deux pays sont touchés par une crise démographique inquiétante et les naissances se font rares, ce qui peut expliquer la démocratisation de ces lieux dans les grandes villes, avec une orientation marketing claire : si ces adultes ne font plus d'enfants, pourquoi leur imposer ceux des autres ?

Un concept Adult Only qui divise fortement

De nos jours, les enfants jouent moins dehors, par craintes des parents sur les dangers potentiels ou préférences pour les divertissements à la maison (jeux vidéo, télévision, etc.) et il est plus rare d'entendre leurs rires et leurs cris de joie à l'extérieur. Est-ce que cela a créé une intolérance vis-à-vis de ces bruits ? Peut-être bien, car certaines études tendent à démontrer que l'enfant est mieux accepté s'il est silencieux et quasi invisible.

Ce qu'en disent les partisans

Les adultes qui plébiscitent les espaces sans enfants ont des arguments valables et ils sont de natures diverses : désir de calme lors des seules vacances de l'année ; besoin de se reposer lors d'un déplacement professionnel en avion ou en train ; envie de vivre une expérience haut de gamme dans un restaurant en profitant pleinement des mets et du service sans être dérangés.

Parmi les adeptes, nombreux sont ceux qui mentionnent le fait que les enfants ne sont pas le problème, mais que celui-ci provient plutôt d'une éducation laxiste ou d'un manque d'autorité des parents. D'autres, eux-mêmes parents, revendiquent un droit à une pause, qui leur permettrait d'éviter le burn-out.

Un sondage publié en mai 2025 par l'Institut d'études Odoxa met en lumière le rapport complexe que peuvent entretenir les Français avec l'enfant : 75 % pensent que les enfants sont moins bien éduqués qu'avant, 83 % les trouvent plus capricieux, 79 % plus insupportables et les méthodes d'éducation modernes sont mises en cause. Pour 54 % des interrogés, les espaces sans enfants sont une bonne idée et ce chiffre monte à 68 % pour la tranche des 25-34 ans, qui comprend pourtant le plus de jeunes parents.

Ce que pensent les détracteurs

Évidemment, s'il y a des partisans de ces espaces sans enfants, leurs détracteurs sont également très nombreux. Certains y voient une discrimination intolérable, aussi bien pour les parents qu'à l'égard de leur progéniture, et ils estiment qu'un établissement ne devrait pas avoir le droit d'exclure un type de clientèle, quelle qu'elle soit. D'autres déplorent le fait que les enfants puissent être considérés comme une nuisance, en arguant, à juste titre, qu'une société se développe en incluant tous ses citoyens et que les plus petits devraient avoir leur place, puisqu'ils représentent l'avenir.

enfant sale

Une exclusion problématique pour l'éducation des enfants ?

Pour certains spécialistes de l'enfance, cette tendance pourrait avoir des conséquences néfastes sur le bon développement des enfants. En les excluant, on leur retire des chances d'apprendre aux côtés des adultes, de percevoir les comportements à adopter dans telle ou telle situation et de saisir les règles de bien vivre ensemble.

De la même façon que l'école peut permettre à un enfant de saisir la notion de partage et les aider à grandir en côtoyant leurs semblables, évoluer avec des adultes dans des zones publiques leur permet de comprendre certains comportements attendus – bien se tenir à table, ne pas déranger son voisin, respecter l'autre – ce qui les amènera naturellement à devenir des adultes plus responsables.

Enfin, des pédopsychiatres et des sociologues s'interrogent sur l'état même d'une société qui viendrait à catégoriser les enfants comme des êtres de seconde zone, alors que ces derniers seront les citoyens de demain, moteur même de cette société.

Vers une loi pour interdire les zones No Kids ?

Entre 2016 et 2023, le nombre d'établissements Adult Only a doublé dans le monde et s'il ne représente que 3 % de l'offre globale et qu'elle est encore très minoritaire en France, la tendance suit une voie ascendante. Pour les professionnels du secteur, c'est une plus-value qui permet de pratiquer des prix plus élevés en échange de ce service.

Face à cela, Sarah El Haïry, la haute-commissaire à l'Enfance, s'est emparée du sujet et souhaite interdire cette exclusion, de peur que le phénomène qui s'accroît déjà dans les pays voisins ne touche la France. Les discussions sont en cours, mais une première mesure a été votée : la mise en place d'un label « Familles bienvenues » qui prône l'inclusivité et qui entre en vigueur en juillet 2025. Via une plateforme en ligne, les parents pourront recommander des établissements pour leur permettre d'obtenir cette récompense symbolique, attestant d'un bel accueil envers les plus jeunes.

La loi française interdit déjà aux établissements commerciaux de pratiquer toute discrimination liée à la religion, au sexe ou à l'âge, mais entre subterfuges pour éloigner les familles avec enfants et peu de véritables plaintes, elle ne semble pas suffisante en l'état.

En attendant que les choses évoluent dans un sens ou dans l'autre, vous pouvez toujours partir en vacances avec vos bambins, en découvrant notre top 10 de destinations idéales pour les familles !

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