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Les couches pour bébé, pas si hygiéniques que ça

Il faut l'avouer, les couches jetables sont pratiques et nous facilitent drôlement la vie dans notre quotidien de parents pressés. Mais, arrêtons-nous un peu pour y penser : savons-nous vraiment dans quoi nous emmaillotons nos bébés lorsque nous leur enfilons l'une de ces couches ? Pas sûr que la réponse plaise à tout le monde.

Elles sont faciles à mettre, simples à utiliser et on peut en trouver partout. Elles, ce sont les couches jetables, fourniture incontournable pour tous parents qui se respectent à en croire les statistiques : 95% des bébés en France en portent (chiffres 2015, selon Group'Hygiène). Il faut dire que les arguments sont imparables, entre les promesses de couches hyper-absorbantes et la garantie d'avoir un bébé aux fesses bien au sec (et donc aux nuits tranquilles). Mais pour tenir ces promesses et, d'une manière générale, pour séduire les consommateurs, il arrive souvent que les fabricants utilisent des substances inopportunes et pas toujours saines pour fabriquer leurs couches.

Dissection d'une couche jetable

Le saviez-vous ? La couche bébé jetable produite de manière industrielle, nous la devons au travail d'un Américain du nom de Victor Mills, alors ingénieur chimiste chez Procter & Gamble. En 1957, il a eu l'idée d'insérer du papier absorbant dans une couche-culotte, elle aussi en papier. L'idée est alors d'en faire un ensemble facilement jetable une fois souillé. Ainsi naquirent les couches "Pampers". Leur succès est vite allé en grandissant, en partie parce qu'elles étaient présentées comme des couches saines, une meilleure alternative aux langes pour bébé. En 1966 toutefois, Johnson and Johnson, le principal concurrent de Procter & Gamble, lui coupa l'herbe sous le pied grâce à l'invention d'un de ses ingénieurs, Carlyle Harmon. C'est à lui en effet que l'on doit la couche super absorbante moderne, telle qu'on la connaît aujourd'hui.

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Sans surprise, les premières couches jetables du commerce avaient un revêtement en plastique, une matière facile à produire et bon marché. Presque 70 ans plus tard, étonnamment, on en est resté au même point. Une couche jetable pour bébé se divise ainsi en 4 parties, dont 3 sont en plastique. Elles sont assemblées les unes aux autres avec de la bonne vieille colle. De l'extérieur vers l'intérieur, on a :


  • Un revêtement plastique extérieur : comme un vêtement, il protège bébé et supporte l'abrasion extérieure afin que la couche garde son intégrité. Imperméable, il est également le garant de l'étanchéité de l'ensemble, grâce notamment à sa plasticité qui s'adapte à la morphologie du petit, mais aussi aux fameuses languettes anti-fuites qui équipent certains modèles. Malgré tout, le plastique utilisé doit être respirant afin d'éviter que la température ne grimpe trop à l'intérieur de la couche.

  • Un voile de contact : dans une couche jetable, ce voile de contact est généralement fait de fibres synthétiques, autrement dit, de plastique. Ce voile est directement en contact avec la peau de bébé et doit ainsi être doux, assez doux pour assurer le confort de l'enfant même en cas de couche mouillée.

  • Une matière de rembourrage : emprisonnée dans le voile de contact, cette bourre a pour fonction d'absorber l'humidité et les liquides, mais aussi d'empêcher que la substance qui procure ses propriétés absorbantes à la couche ne vienne au contact de la peau du petit. La matière de rembourrage est généralement de la cellulose, une matière naturelle.

  • Une matière absorbante : au cœur même du principe de la couche à usage unique, c'est cette matière qui va lui donner son pouvoir absorbant et justifier les arguments de type "fesses au sec" et "nuits complètes". La plupart du temps, c'est un polymère appelé polyacrylate de sodium qui est utilisé, un plastique (oui, encore un) plus connu sous le sigle SAP. Il s'agit d'une poudre dont chaque petite granule qui la compose peut absorber jusqu'à plusieurs centaines de fois son poids en eau. Plus le polyacrylate de sodium absorbera de liquide, plus il se transformera par la suite en gel. Et plus la couche contiendra de polyacrylate de sodium, plus elle sera absorbante.

Et les couches jetables naturelles ?

Il existe aujourd'hui des couches jetables plus naturelles que les modèles jetables classiques, constituant une alternative judicieuse aux modèles controversés dont les compositions douteuses seront détaillées juste après.

Tout parent qui souhaite opter pour des couches saines pour son enfant pourra alors se tourner vers des couches jetables naturelles plus écologiques. Ces dernières sont constituées d'un noyau en cellulose 100 % naturelle, issue de forêts gérées durablement certifiées FSC, blanchie à l'oxygène et non au chlore. Ce type de couche est sans parfum, lotion, pesticides, parabènes, phtalates, perturbateurs endocriniens, HAP, allergènes…

En plus, les couches sont élaborées selon un mode de production utilisant 100% d'électricité verte, pour prendre à la fois soin de bébé, mais aussi de sa future planète.

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Des produits chimiques controversés dans les couches jetables classiques

Au-delà de tout le plastique contenu dans une couche bébé à usage unique, et donc de tout l'hydrocarbure qu'elle peut distiller à travers la peau, elle contient également plusieurs sortes de produits chimiques. Certains sont utilisés par les industriels pour rendre leurs couches plus attrayantes, d'autres sont générés spontanément dans les processus de fabrication. Pour commencer, il y a les parfums ajoutés. Vous savez, quand vous ouvrez une couche et que des senteurs "fraîches" s'en échappent ? C'est l'œuvre de substances parfumantes que le fabricant y a ajoutées.

Mais si l'odeur agréable a un côté rassurant pour les parents, ce qu'ils ne savent pas, c'est que les parfums utilisés portent de doux noms industriels comme "alcool benzylique", "linalol", "butylphényl méthyle propional", ou encore "hydroxyisohexyl 3-cyclohexène carboxaldéhyde". Ce sont des produits chimiques dont un surdosage ou une sensibilité peut entraîner plus d'un désagrément à bébé. Il y a ensuite le chlore, utilisé dans l'industrie pour blanchir la cellulose que l'on retrouve au cœur de la couche. En soi, ce n'est cependant pas tant le chlore qui pose problème, mais les dioxines rejetées par les diverses réactions chimiques ayant lieu lors du blanchiment. Ce sont des composés toxiques qui vont alors s'incruster dans la cellulose.

Étonnamment, les couches jetables peuvent également contenir des composés organiques volatils, plus connus sous le nom de COV. C'est une très grande famille de substances dont plusieurs sont considérées comme "cancérigènes avérés", quand ce n'est pas "cancérigènes probables" ou "potentiels". Elles sont surtout rejetées par les fourneaux industriels, les pots d'échappement et les poêles, mais aussi par les solvants. Dans le cas d'une couche, les COV sont le fruit des diverses méthodes de transformations de la matière qui ont lieu lors de sa fabrication. On y trouve notamment du naphtalène (plus connu sous le nom de naphtaline, le fameux antimite) ou du styrène, impossible à éviter dans la fabrication du plastique dont il est un précurseur. Une partie de ces COV provient également de la fabrication du fameux polyacrylate de sodium (la poudre de plastique absorbante).

Enfin, certaines couches jetables peuvent aussi contenir de l'aldéhyde formique, également appelé "formaldéhyde", et, plus étonnant encore, du glyphosate. Le premier est un cancérigène avéré pour l'être humain. D'ailleurs, il est plus connu sous sa forme liquide qui n'est autre que le formol. Quant au second, c'est un pesticide qu'on ne présente plus, sans doute arrivé là par contamination des matériaux naturels présents dans la couche.

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Le rapport préoccupant de l'Anses

Janvier 2019, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) publie un rapport relativement alarmant sur le potentiel risque sanitaire induit par les couches pour bébé à usage unique. En cause, les produits chimiques cités plus haut dont les quantités présentes supposent un effet délétère sur la santé des enfants. Pour mener son étude, l'agence a auditionné des experts et passé 27 couches bébé de différents fabricants à la loupe, allant jusqu'à simuler des "conditions d'usage réalistes" en utilisant de la fausse urine de bébé.

Elle a alors découvert que toutes contenaient au moins une substance potentiellement dangereuse. Plus précisément encore, le rapport émis par l'Anses pointe du doigt 5 substances et composés chimiques qui dépassent les limites de concentration admissibles. Ce sont les HAP, les substances parfumantes ajoutées, les PCB, les furanes et les dioxines.

Les HAP, pour "Hydrocarbures aromatiques polycycliques", sont un type d'hydrocarbures généralement issu de la combustion incomplète du plastique à haute température. Certains des HAP retrouvés dans les couches, comme le chrysène ou le benzo anthracène, ont un effet cancérigène reconnu. L'Anses a en tout dénombré 10 HAP de cette sorte dans les couches jetables, auxquels s'ajoutent encore 6 autres qui dépassent le seuil de préoccupation toxicologique, autrement dit, dont la concentration est considérée comme présentant un risque pour la santé. L'agence en a surtout retrouvé sur les élastiques de rétention, mais également sur le tissu extérieur et le voile intérieur des couches.

Parmi tous les parfums ensuite, seules deux substances ont été mises à l'index par l'Anses, car dépassant le seuil sanitaire. Il s'agit du lyral (hydroxyisohexyl 3-cyclohexène carboxaldéhyde) et du lilial (butylphényl méthyle propional). Le premier est un allergène reconnu, tandis que le second est non seulement un allergène, mais aussi un perturbateur endocrinien suspecté.

Les PCB, quant à eux, sont des polluants organiques persistants classés comme cancérigènes, dont l'un des membres, le PCB 126, est un "cancérigène certain". Ce dernier fait malheureusement partie des PCB trouvés en trop grande quantité dans les couches étudiées. On y a aussi retrouvé des PCB de type dioxine (PCB-DL) qui, comme les dioxines et les furanes, sont certainement des résidus issus du blanchiment au chlore de la cellulose. Il est aussi plus que probable que certaines de ces substances étaient déjà présentes dans les colles utilisées pour assembler les diverses strates des couches jetables. L'agence précise par ailleurs que PCB, dioxines et furanes ont été trouvés tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des couches.

Enfin, l'Anses a également détecté dans plusieurs couches non seulement du glyphosate, mais également d'autres types de pesticides interdits comme du hexachlorobenzène ou encore du quintozène. Ces produits chimiques dangereux n'ont heureusement été trouvés qu'à l'état de trace.

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Quels sont les risques pour bébé ?

Les risques auxquels s'expose un enfant portant des couches dépendent du niveau de son exposition aux produits incriminés. Dans tous les cas néanmoins, le danger n'est pas immédiat puisque, entre les perturbateurs endocriniens, les substances reprotoxiques (toxique pour la reproduction) et celles qui sont cancérigènes, les réels effets de ces substances sur la santé ne seront observables qu'une fois l'enfant rendu à l'âge adulte. Et même là, il sera très difficile de trouver un lien de cause à effet entre ces substances et une éventuelle pathologie puisque ces composés toxiques peuvent également se trouver ailleurs dans notre environnement (atmosphère, alimentation, eau, etc.).

Pour toutes ces raisons, aucune étude isolant les réels impacts des couches jetables sur la santé n'existe et les seuls effets immédiats observables sont en fait des inflammations de la peau appelées "dermatites" : la peau de bébé devient rouge sous sa couche, sensible et parfois gonflée. Malheureusement, les origines d'une dermatite sont nombreuses et elle peut tant être induite par des allergènes, une intolérance aux parfums (ou à tout autre composante de la couche), qu'à une couche trop serrée, à une humidité excessive, à l'augmentation du pH de la peau (pH trop alcalin), ou encore à des champignons et à des bactéries (dermatites infectieuses). Là encore, difficile de s'y retrouver à moins de prendre le temps de se pencher sur chaque possibilité et de procéder par élimination.

Pour l'Anses toutefois, s'il est vrai qu'il n'est pas possible d'associer formellement le port de couches jetables à un quelconque effet sur la santé, il est certain qu'on ne peut exclure le fait que le cocktail chimique retrouvé dedans induit des risques sanitaires réels. Cela donne à réfléchir quand on sait que depuis sa naissance jusqu'à ce qu'il soit propre, bébé va devoir mettre environ 4.000 couches ! L'agence a ainsi émis toute une série de recommandations qui ont été immédiatement reprises par le gouvernement. En urgence, il a ainsi été demandé aux fabricants de couches de présenter des engagements solides pour éliminer, ou du moins réduire dans des proportions plus rassurantes, la quantité de substances chimiques présentes dans leurs produits. Un contrôle continu de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a par la suite veillé à ce que les industriels tiennent promesse.

Cette nouvelle expertise a eu lieu de 2019 à début 2020 et n'a cette fois-ci permis de constater aucun dépassement de seuil sanitaire. Elle montre donc qu'il y a effectivement eu amélioration dans la conception des couches jetables, mais la bonne nouvelle est à mitiger. En effet, si aucune concentration de produit chimique ne dépasse les limites toxiques, cela signifie aussi que les couches contiennent toujours des substances délétères pour la santé ! La prudence reste donc toujours de mise et si on a le choix, mieux vaut bien choisir les couches de son bébé en évitant totalement celles à usage unique ou en choisissant celles qui contiennent le moins de produits chimiques possibles (non parfumées, cellulose non blanchie au chlore, etc.).

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