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Que risque-t-on si on emmène son enfant faire l'école buissonnière ?

Il n'est pas rare, quand des jours fériés tombent successivement en semaine, que l'on veuille en profiter pour s'échapper loin du train-train quotidien. Et s'il n'y a pas de pont le vendredi, pas de problème, on prend l'option "congé" et on se fait la belle. Pour les parents toutefois, cela signifie faire rater l'école aux enfants, une pratique répandue, mais qui est loin d'être anodine.

C'est surtout au mois de mai que la situation se présente, comme en 2024 où le jour de l'Ascension, un jeudi, a immédiatement succédé à la célébration de l'Armistice de 1945. Un beau week-end de 5 jours en perspective pour qui peut déposer un congé pour le vendredi qui suit. De petites vacances aussi pour les enfants à qui certains parents n'hésitent pas à faire sécher les cours et pour qui, avouons-le, tout moment passé à vagabonder loin des bancs de l'école avec la bénédiction des parents possède un enivrant goût d'instant volé. Seulement voilà, faire délibérément rater l'école à son enfant n'est pas sans conséquence et c'est la loi qui le dit.

L'assiduité scolaire est une obligation en France

Dans l'Hexagone, en application à diverses lois, l'instruction est obligatoire pour les enfants. Avec la fameuse loi Jules Ferry du 28 mars 1882, cette obligation a tout d'abord concerné les enfants de 6 à 13 ans. Par la suite, en 1936, on l'étendit à ceux âgés de 6 à 14 ans, puis à la tranche des 6 à 16 ans en 1959. Pour finir, la loi dite "Pour une école de confiance" de 2019 a abaissé l'âge minimum à 3 ans, rendant donc désormais l'instruction obligatoire pour tous les enfants âgés de 3 à 16 ans, et ce, sans distinction d'origine ou de genre.

La conséquence directe de ces dispositions est que l'assiduité scolaire devient, elle aussi, une obligation. Cela signifie que tout enfant inscrit dans un établissement a le devoir d'assister aux cours prévus dans son emploi du temps. Toute absence doit alors être motivée par une raison valable et si l'enfant rate un cours, ses parents ont obligation de prévenir l'établissement scolaire au plus vite.

Les absences autorisées et celles non justifiées

Seule une poignée de raisons est acceptée en cas d'absence : maladie (à noter qu'un certificat médical est exigible seulement en cas de maladie contagieuse), évènement ou obligation familiale d'importance, empêchement ou circonstance exceptionnelle (catastrophe naturelle, accident, etc.), ou encore si l'enfant n'a d'autres choix que de suivre ses parents ou ses représentants légaux dans leur déplacement.

Évidemment, les motifs d'absences peuvent être examinés au cas par cas par l'établissement scolaire, mais officiellement, tout autre prétexte peut ne pas être considéré, conduisant l'absence à être qualifiée de "non justifiée".

La constatation des absences non justifiées

Dans les faits, les absences non justifiées sont comptabilisées à partir de la première heure d'absence de l'enfant. Dès la première absence sans motif, l'école, le lycée ou le collège contactera les parents ou les représentants légaux afin de leur rappeler l'obligation d'assiduité. Si aucun motif d'absence acceptable n'est communiqué à l'établissement, ce dernier en informe le Directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) qui adressera alors un avertissement aux parents avec, en prime, un rappel des dispositifs d'accompagnement parental disponibles dans le but d'enrayer l'absentéisme.

Si les absences non justifiées atteignent 4 demi-journées dans le mois, l'école proposera aux parents ou aux tuteurs des mesures d'accompagnement afin d'éviter le décrochage scolaire. À 10 demi-journées d'absence dans le mois, elle les convoque et leur fait signer un contrat sur la mise en place d'un dispositif d'aide personnalisé. À ce stade, le Dasen est également notifié. Si malgré tout, les absences se poursuivent, ce dernier peut alors saisir le procureur de la République qui décidera ou non de sanctionner les parents.

Des sanctions pénales contre l'absentéisme

Comme les parents sont les premiers responsables de l'assiduité scolaire de leurs enfants, c'est tout naturellement sur eux que s'appliquent les sanctions en cas d'absentéisme. Ainsi, si les absences répétées sont sans motif valable ou si les parents ont avancé de fausses raisons ou des motifs inexacts, ils peuvent écoper d'une amende de 750 euros pour « manquement sans motif légitime à l'obligation de scolarisation ». Une astreinte qui peut même monter jusqu'à 30 000 euros et être assortie de 2 ans de prison s'il est démontré que les absences injustifiées sont de nature à « compromettre la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation » de l'enfant mineur (article 227-17 du Code pénal).

En Haute-Saône, ainsi, début 2024, un père s'est vu condamné à verser 600 euros d'amende, dont 300 avec sursis, suite à l'absentéisme de son fils de 14 ans. Ce dernier, alors en classe de 4e, avait raté pas moins de 96 journées de classe du mois d'avril 2022 au mois de juin 2023. Des absences non justifiées qui ont fini par forcer l'Éducation nationale à sévir. En juin 2024, à Narbonne cette fois-ci, dans le département de l'Aude, ce sont 22 parents qui ont été condamnés à 750 euros d'amende par le tribunal de police parce que leurs enfants ont fait l'école buissonnière. Un absentéisme qui a duré plusieurs mois pour certains, une année entière pour d'autres.

Autre exemple parlant : le cas d'une mère du village d'Escaudain, dans le département du Nord, qui a été condamnée en 2015 à 4 mois de prison avec sursis pour avoir laissé vagabonder son fils alors âgé de 12 ans. L'enfant n'avait raté "que" 39,5 journées de cours. Toutefois, considérant que son absentéisme s'était non seulement fait avec le concours de sa mère, mais qu'en plus, il avait entraîné son redoublement, le tribunal a estimé que l'affaire entrait pleinement dans le cadre de l'article 227-17 mentionné plus haut et a donc prononcé une peine de prison.

Des condamnations encore rares

En dépit des sanctions, des procédures existantes et des exemples qui défraient ici et là la chronique, il faut avouer qu'être condamné parce que l'on a soustrait un temps son enfant à sa vie scolaire arrive très (trop ?) peu souvent en France. La plupart du temps, l'assignation à comparaître devant un tribunal ne survient qu'après plusieurs auditions non concluantes au poste de police, elles-mêmes étant le résultat de plusieurs courriers d'avertissement envoyés par l'établissement scolaire et/ou le Dasen aux parents et qui seront restés sans réponse. Et même là, il faudrait faire preuve de désinvolture ou de mauvaise foi ainsi que de récidive pour que l'affaire finisse au tribunal.

À l'audience ensuite, et en fonction de l'attitude des parents, le juge peut également faire preuve de clémence et ne prononcer qu'une condamnation "symbolique" exempte de sanction. Ainsi, dans les grandes largeurs et sans antécédents, faire rater un jour d'école à son enfant pour partir plus tôt en vacances ou encore pour profiter en famille d'un long week-end ne devrait pas avoir de grandes conséquences. Ce sera, tout au plus, un avertissement du Dasen avec rappel à la loi. Mais avant de se dire que le risque est acceptable, il vaut mieux se poser un instant et réfléchir aussi aux conséquences que ce genre de décision peut avoir sur l'enfant.

famille et juge

L'école buissonnière, un réel impact sur l'enfant

Souvent, quand on est enfant, toute occasion de rater l'école est bonne à prendre. Faites-lui faire l'école buissonnière par convenance personnelle et il ne s'en plaindra que rarement. En revanche, il faudra bien réfléchir aux contrecoups, et ils sont nombreux. Tout d'abord, cela lui fera perdre des heures de cours qu'il lui faudra rattraper. Que penser également des devoirs et des contrôles qui pourraient avoir lieu en son absence ? Ce qui est certain, c'est que pour s'épargner de possibles difficultés scolaires, il va lui falloir travailler plus dur afin de rattraper tout retard engendré par son absence.

L'autre point à anticiper également sera la réaction de l'enseignant. Il n'est pas rare que, plus par exaspération que par méchanceté, les enseignants sanctionnent d'une façon ou d'une autre les absents, surtout s'ils sont nombreux. Le jour d'un pont, par exemple, il est facile de deviner que si le quart des élèves est absent, ce n'est sûrement pas à cause d'une soudaine épidémie de grippe !

Enfin, il faut par ailleurs réfléchir à l'image et au message que l'on transmet à son enfant en lui faisant faire l'école buissonnière pour "aller en vacances plus longtemps". Déjà, on lui montre que, tout compte fait, aller à l'école n'est pas si important et qu'on peut la rater quand on veut, sans réelle conséquence. Ensuite, il va bien falloir donner un motif d'absence et, comme on n'en a pas, on va en inventer un. L'enfant se demandera alors que si l'on peut mentir pour se couvrir, pourquoi ses mensonges d'enfant ne sont pas acceptés ?

En tant que parents, il vous appartient d'envoyer les bons signaux à vos enfants par l'exemple. Ainsi, si vraiment vous devez partir plus tôt en vacances ou lui faire rater une journée de cours, pourquoi ne pas tout simplement l'expliquer en avance dans une demande d'absence pour voyage adressée à l'école ? Vous pourrez y exposer vos raisons, y souligner le fait que vous n'avez pas le choix, mais aussi faire preuve de bonne volonté et vous engager à aider l'enfant ou à le faire travailler pour qu'il soit à jour dans ses cours.

Au-delà de la simple politesse et du respect que cela montre envers le corps enseignant, une telle lettre a de fortes chances d'obtenir l'approbation de l'établissement scolaire qui pourrait se montrer compréhensive. Il y aura alors moins de stress pour vous, pour l'enfant, et tout le monde pourra passer un bien meilleur week-end prolongé !

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