Ghettossori, une tendance déculpabilisante face aux parents parfaits
Dans un monde idéal, on voudrait tous ne jamais avoir à élever la voix face à un enfant qui n'en fait qu'à sa tête, ne pas perdre patience lors d'un caprice ni utiliser de fausses menaces pour parvenir à nos fins. Mais au quotidien, ces principes phares de l'éducation positive se heurtent parfois à une réalité moins harmonieuse et on s'écarte du modèle de perfection qu'on s'était fixé. Faut-il se blâmer pour ça ? Pas du tout, comme le prônent les adeptes de la tendance Ghettossori, avec humour, auto-dérision et honnêteté.

Les adeptes de la méthode Montessori sont nombreux et toujours prompts à mettre en avant leurs conseils d'éducation, basés sur l'éducation positive. En théorie, soutenir son enfant dans son développement en l'écoutant et en le laissant exprimer ses émotions comme il l'entend est une excellente chose. Cependant, l'application pratique de cette méthode au quotidien peut s'avérer éreintante et des mamans, qui se revendiquent du mouvement Ghettossori, prônent des solutions bien plus pragmatiques et un retour à une éducation plus autoritaire. Voyons comme s'applique ce style au quotidien.
Éducation Ghettossori : la tendance anti-Montessori à la mode
On a parfois l'impression d'être considéré comme un mauvais parent si on gronde un enfant, qu'on le punit quand il fait un caprice, lorsqu'on lui ment par facilité ou qu'on s'adresse à lui de manière un peu sèche, excédé par une énième question ou par un comportement agaçant. La mode est à l'éducation positive issue de la pédagogie Montessori et ceux qui ne suivent pas ces principes peuvent se sentir exclus, voire stigmatisés.
Face à cela, des mamans se sont révoltées (notamment sur TikTok) et c'est ainsi qu'est née la tendance Ghettossori, mélange des mots "Ghetto" et "Montessori". Il s'agit d'une approche bien plus pragmatique de l'éducation, qui tient compte de la réalité du quotidien. Oui, il arrive qu'on soit épuisé et qu'on perde patience. Oui, on peut user de mécanismes de manipulation pour que l'enfant obéisse, et non, ce n'est pas la fin du monde si ce soir, notre progéniture mangera un repas de fast-food plutôt qu'un plat fait-maison, sain et parfaitement équilibré.
Les mamans (et papas) Ghettossori veulent en finir avec les jugements et ne plus se sentir coupable de ne pas être aussi parfaites qu'attendu. Comment cela se traduit-il en actes concrets ?
Entre dérision et principes d'éducation stricts
Sur TikTok, les courtes vidéos des pratiquantes de ce style éducatif commencent toutes de la même façon : « Je suis une maman Ghettossori car… » et s'ensuivent des exemples de situations précises, qui pourraient faire pâlir les mamans parfaites.
Concrètement, il peut s'agir de :
- jeter les dessins de son enfant quand il en fait trop ;
- mentir en mangeant des bonbons et en lui disant que « ça pique » pour ne pas lui en donner ;
- organiser une soirée pizza en cas de flemme de cuisiner ;
- lui dire que s'il est fatigué, « c'est bien fait pour lui » car il n'avait qu'à se coucher à l'heure indiquée ;
- avancer l'heure de son réveil pour le faire aller au lit plus tôt et ainsi avoir une soirée rien qu'à soi ;
- lui dire qu'on va l'échanger avec un autre plus sage ;
- l'envoyer dans sa chambre pour savourer son café du matin tranquillement, etc.
Mais attention, certaines valeurs de base font évidemment partie de cette forme d'éducation – le respect d'autrui, le partage, l'entraide, la politesse, alerter un adulte en cas de harcèlement à l'école... Il n'est donc pas question d'y voir une éducation au rabais, mais bien une manière différente d'aborder la question, pour la dédramatiser.
D'où vient le mouvement Ghettossori ?
À l'origine de ce mouvement alternatif, on trouve la dénommée « Jessica French Riviera », qui s'est auto-proclamée ambassadrice Ghettossori. On peut l'entendre expliquer les préceptes de cette éducation, qu'elle applique depuis la naissance de son bébé, et affirmer, non sans une pointe d'ironie dans la voix, « qu'il se porte très bien ! »
Via ses propres observations, elle affirme que les éléments les plus importants sont la débrouillardise, le respect de la mère « qui n'est pas son égal ni sa camarade », et elle vante les mérites du rap – pour développer sa mémoire – et l'utilisation des tongs à lancer sur l'enfant pour lui signaler qu'il n'a pas agi correctement. De quoi préparer l'enfant au monde réel, sans le surprotéger.
L'humour est bien entendu palpable, et il s'agit d'une méthode éducative très répandue, certains diront plus classique et plus autoritaire, opposée à l'éducation positive. Elle suscite, de fait, des critiques, de la part des défenseurs de cette doctrine.
Une éducation plus légère… propice à la violence ?
L'idée principale de l'éducation Ghettossori est que l'enfant doit s'adapter à ses parents, et non l'inverse. Il faut faire preuve d'autorité (pour ne pas créer un enfant tyran) et lui faire comprendre que tout ne tourne pas autour de lui.
Cependant, des voix s'élèvent face à la Violence Éducative Ordinaire (VEO) qui transparaît de certaines pratiques. Crier plutôt qu'expliquer calmement, donner une fessée ou une claque, mentir, faire culpabiliser l'enfant... Autant d'actions susceptibles d'avoir un impact négatif sur le développement de l'enfant, qui aura tendance à les reproduire.
Entre le cri du cœur de parents fatigués d'avoir à se conformer à des principes modernes, parfois trop idéalistes, et un retour à des principes discutables, car trop autoritaires, le mouvement Ghettossori divise. Et si, finalement, il s'agissait de faire simplement du mieux possible dans l'intérêt de l'enfant ?